Pour une gestion publique de l'eau à laquelle les usagers-citoyens puissent comprendre quelque chose...

mercredi 23 février 2011

La protection des nappes phréatiques : une lutte politique

Il y a de l’eau partout… mais peut-on en boire?

Barbara Sherwood Lollar,

« Depuis quelques générations, la nappe phréatique est très polluée partout dans le monde, ce qui a un impact néfaste sur les réserves d’eau potable », a indiqué Barbara Sherwood Lollar, titulaire de la chaire de recherche du Canada en géochimie des isotopes de la Terre et de l’environnement de l’University of Toronto.

D’ailleurs, la chercheure a présenté ses travaux de recherche, qui étudie des initiatives sociales visant à inverser et à éliminer le processus de pollution de la nappe phréatique, à l’occasion du déjeuner de presse PENSEZ CANADA organisé dans le cadre de l’assemblée annuelle de 2011 de l’American Association for the Advancement of Science (AAAS). Elle a également parlé de ses travaux sur l’efficacité de technologies de biorestauration, qui font appel à des microbes afin purifier des contaminants organiques tels que les hydrocarbures pétroliers (le pétrole, l’essence ou le diesel) ou des produits chimiques utilisés au sein de l’industrie de l’électronique ou du transport.

Même si l’élimination de ces contaminants semble assez bien réglementée de nos jours, cela n’a pas toujours été le cas. Ainsi, immédiatement après la Seconde Guerre mondiale, le laxisme des règlements et de leur mise en application a légué à l’Europe et à l’Amérique du Nord un héritage de contamination. « Cette contamination a eu un effet néfaste sur l’environnement, a indiqué la chercheure. Elle est toujours présente, et il faut s’en occuper. »

Au cours de la dernière décennie, de nombreuses techniques utilisées pour purifier la nappe phréatique ont fait appel à la microbiologie et aux travaux de géochimistes comme Mme Sherwood Lollar. « L’être humain n’est pas conçu comme les microbes sur le plan génétique, a-t-elle expliqué. Dans de nombreux cas, les microbes présents à l’état naturel se nourrissent de contaminants organiques et les convertissent ainsi en produits finaux non toxiques. »

Jusqu’à maintenant, la plus grande difficulté consistait à prouver que ce processus existe et que les microbes purifient vraiment les contaminants. Mme Sherwood Lollar a donc élaboré des techniques qui permettent de savoir où se produit cette purification et, ce qui est tout aussi important, où elle ne se produit pas.

« Des éléments tels que le carbone comportent des isotopes stables différents, soit le carbone 12 et le carbone 13. L’un est un peu plus lourd que l’autre, et les microbes ont tendance à se nourrir surtout du plus léger des deux. Lorsque ces microbes ont opéré pendant un certain temps, la proportion de carbone lourd et de carbone léger change. C’est ce changement – que l’on appelle « signature isotopique » – qui permet de savoir si de l’eau a été purifiée », a précisé la chercheure.

En purifiant la nappe phréatique contaminée, il est possible de récupérer ce qui serait autrement une ressource perdue. Les organes de réglementation commencent à utiliser cette technique, et Mme Sherwood Lollar collabore avec un groupe international de scientifiques afin de préparer un document d’orientation pour l’Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis. Ce document comportera un ensemble de recommandations liées à l’utilisation de la technique sur le terrain, ce qui représentera une première étape de l’intégration de celle-ci.

« On pense souvent, à tort, que l’eau – en particulier les réserves de la nappe phréatique – constitue une ressource renouvelable, a indiqué la chercheure. Pourtant, ce n’est pas le cas, donc il est particulièrement important de gérer cette ressource efficacement et de faire tout ce qui est possible afin de conserver, de protéger et de restaurer les réserves dont on dispose. »

Cet article a été publié par Michaël Adams dans Canadian Researchers, Think Canada.

mercredi 16 février 2011

Le Forum Social Mondial se saisit de la politique de l'eau

APPEL DE DAKAR

POUR LE FORUM ALTERNATIF MONDIAL DE L’EAU

A MARSEILLE EN MARS 2012


En juillet 2010, la reconnaissance par les Nations Unies de l’accès à l’eau pour tous comme un droit humain fondamental a constitué une consécration historique pour les luttes menées depuis des années par les mouvements sociaux, les citoyens, les peuples autochtones, les élus, à travers le monde.

En novembre 2010 était lancé l’appel de Marseille, qui constituait une première étape du projet de Forum Alternatif Mondial de l’Eau (FAME) porté par les citoyens et les mouvements sociaux.

Aujourd’hui, cet appel s’est enrichi des apports des organisations de tous les continents, présentes au Forum Social Mondial de Dakar.


  • Une nouvelle étape s'ouvre, celle de la reconnaissance de l'eau comme bien commun, source de vie. Le droit à l'eau et à l'assainissement doit devenir contraignant et effectif.

  • Le Conseil mondial de l’Eau, auto-désigné, et son Forum n’ont aucune légitimité, ni politique -ils ne représentent pas les peuples du monde- ni technique -leur bilan est un échec au regard des objectifs déclarés. Pour eux, l'eau est une marchandise, source de profits.

  • Nous, associations, mouvements sociaux et autorités locales, porteurs d’expériences alternatives, sommes légitimes pour proposer des voies rendant effectif, au niveau des territoires et des pays, le droit à l’eau et à l'assainissement pour tous.

  • Le Forum Alternatif Mondial de l’Eau offrira une plate-forme d’expression et de convergence de l’ensemble des luttes, des expériences et des réalisations menées dans la perspective d’un droit effectif à l’eau et à l'assainissement, garanti par une gestion publique et participative, démocratique et transparente, sociale et écologique. De cette expression devront sortir des lignes d’actions pour l’avenir, à tous les niveaux d’élaboration et de mise en œuvre des politiques de l’eau et de l’assainissement.

  • Le FAME œuvrera à la consolidation et à l'élargissement des réseaux de territoires et d’élus pour porter ces exigences dans l'agenda politique à tous les niveaux.

Nous appelons les associations, organisations de femmes, ONG, syndicats, élus et autorités locales et les citoyens du monde à participer au FAME pour faire entendre la voix des peuples à Marseille en mars 2012.

Appel signé des organisations présentes ce jour, 10 février 2011, au Forum Social Mondial de Dakar.


www.fame2012.org


mercredi 9 février 2011

Le Forum mondial de l’eau : une privatisation mondialisée



Un Forum mondial de l’eau (FME) se tient tous les trois ans : le dernier était à Istanbul en 2009, le prochain sera à Marseille en mars 2012. L’initiative en revient au Conseil mondial de l’eau qui regroupe multinationales et Etats les plus puissants. Son président est le Français Loïc Fauchon, PDG de la Société des eaux de Marseille, filiale de VEOLIA. Créé en 1995, le Conseil mondial de l’eau se veut « la voix de l’eau », c’est-à-dire qu’il élabore un discours de l’eau au niveau global. Que l’eau devienne un sujet politique majeur à l’échelle du monde est tout à fait souhaitable. Là où le bât blesse, c’est que cette tâche devrait revenir à une institution internationale placée sous l’égide de l’ONU, pas à un groupe privé. C’est un peu comme si à la place du conseil de sécurité de l’ONU, il y avait une assemblée de marchands d’armes et d’Etats, présidée par M. Dassault. De fait, cela dépasse de très loin le lobbying « ordinaire »: la politique est privatisée ! Sous la houlette des entreprises, le Forum mondial de l’eau mobilise et influe sur les décideurs politiques à tous les niveaux et se conclut par une déclaration des ministres ou des chefs d’Etat qui donne la feuille de route pour les prochaines années. Les 20 000 participants attendus à Marseille seront pour l’essentiel des élus, des fonctionnaires et des dirigeants d’entreprises publiques !

Mais tout cela ne va pas comme un long fleuve tranquille. Il se pourrait que des turbulences surgissent en mars 2012 à Marseille ou même avant. En juillet 2010 s’est produit un événement majeur : à l’initiative de la Bolivie, l’assemblée générale des Nations Unies a reconnu le droit à l’eau potable et à l’assainissement. C’est la consécration historique du combat mené depuis de nombreuses années, par des associations, des citoyens et des élus, mais pas …par le Conseil mondial de l’eau ! A Istanbul, en 2009, une vingtaine de pays avaient publié, en marge du Forum mondial de l’eau, une déclaration en faveur de la reconnaissance du droit à l’eau que le Forum n’avait pas retenu. Du coup, dans sa préparation, le Forum mondial de l’eau est gêné aux entournures et évoque à peine cette question qui est pourtant essentielle dans la définition d’une politique mondiale de l’eau. Et si le FME joue aux abonnés absents sur un point aussi crucial, sa crédibilité politique de « voix de l’eau » est sérieusement mise en doute ! D’autant que le droit à l’eau continue à faire son chemin : une résolution a été adoptée par le Conseil des droits de l’Homme en octobre 2010 qui insiste sur la responsabilité des Etats. On pourrait imaginer que la principale manifestation internationale dans le domaine de l’eau célèbre cette reconnaissance historique et s’en serve pour impulser un nouvel élan mondial en faveur de l’accès à l’eau de tous. Ce n’est malheureusement pas la voie choisie pour le FME à Marseille. Il se présente comme « un forum des solutions », sous-entendu de terrain, par opposition aux grands discours. Ce qui, au passage, évite de faire un bilan des multiples déclarations et engagements pris par les cinq Forums précédents qui n’ont pas apporté de remède, bien au contraire, à une crise mondiale de l’eau qui ne fait que s’aggraver. Et ses « solutions » sont étroitement conçues du point de vue des entreprises. Un exemple, une des douze priorités d’action est « harmoniser l’énergie et l’eau ». En soi, ce sujet est d’une actualité brûlante, que l’on songe à l’exploitation des gaz de schistes qui pollue massivement les nappes souterraines et contamine l’eau potable ou au rapprochement entre GDF et Suez d’une part, VEOLIA et EDF d’autre part, qui concentre dans les mêmes mains différents usages de l’eau et laisse perplexe sur les futurs arbitrages… Mais, vous n’y êtes pas, « harmoniser l’eau et l’énergie », signifie pour le FME un objectif final (certes louable) de …« réduire la consommation énergétique des services des eaux » ! C’est vraiment le petit bout de la lorgnette. Peut mieux faire…

Outre ce cap incertain, le FME va rencontrer des turbulences en approchant du port (de Marseille). Ainsi la Fondation France Libertés dénonce un conflit d’intérêts entre les fonctions de Loïc Fauchon, à la fois président du FME et PDG de la Société des eaux de Marseille (SEM), filiale de VEOLIA, mettant en doute au travers du cas de Constantine, sa capacité « d’assumer la promotion de l’eau comme bien commun, tout en multipliant marchés et profits pour sa société » (http://www.france-libertes.org/Veolia-et-Loic-Fauchon-en.html). Et elle l’appelle (par une pétition en ligne : http://www.france-libertes.org/J-appelle-Monsieur-Loic-Fauchon-a.html) à démissionner!

C’est que la SEM apparaît dans ce dossier sous un jour peu flatteur, plus près de la prédation que de la mise à disposition de compétences. A titre personnel, M Fauchon, ancien maire de Trets, ancien bras droit de Gaston Deferre et de Robert Vigouroux, incarne la collusion entre le monde politique et celui des entreprises, si prégnante dans le domaine de l’eau (voir l’article de « Marsactu » http://www.marsactu.fr/2010/06/17/loic-fauchon-empereur-des-eaux-de-marseille-lhumaniste-incompris/). Ce qui n’est pas forcément un gage de sérénité pour le FME, à quelques mois d’élections municipales très disputées entre la droite et la gauche et au sein de chaque formation et à quelques semaines …des élections présidentielles ! En 2007, on se souvient que M. Proglio, alors PDG de VEOLIA, était au Fouquet’s pour fêter l’élection de M. Sarkozy. Mais le climat actuel n’est plus à de telles démonstrations ! Enfin, il y a toutes les « affaires » marseillaises, en particulier le marché des déchets : la société Bronzo qui a défrayé la chronique est une filiale à 100% de la SEM ! Ce qui fait dire à certains que tenir un Forum mondial de l’eau à Marseille, c’est comme tenir un Forum mondial des déchets à Naples ! Et les ennuis ne sont pas finis car le FME risque de rencontrer bientôt sur sa route le Forum alternatif mondial de l’eau (FAME) -lire http://eauidf.blogspot.com/2011/01/ecoutez-les-voix-de-leau.html

Jean-Claude Oliva
Président de la Coordination EAU Île-de-France